Aravind Eye Care System

LIEU : Tamil Nadu, Inde
LAURÉAT :  Concours ” UPP – DUPON DECOUVERTE “, 2009
PROJECTION : 30 & 31 janvier 2010 – Congrès annuel de l’Union des Photographes Professionnels (UPP) – Studios Canal Pix – PARIS.
PROJECTION : 31 mai 2010 – Colloque “L’originalité en photographie”- Sénat (Palais du Luxembourg) – PARIS
EXPOSITION : 1er juillet – 31 août 2010 – Maison des Photographes – PARIS


A première vue, il n’existe aucun rapport entre un Prix Nobel de la Paix, une banque et un hôpital. De toute évidence, il n’y a pas non plus d’éléments susceptibles de corréler leurs actions et encore moins les fondements ou les principes qui les régissent. Il existe pourtant un point commun entre ces trois entités. Tous peuvent être liés par le concept de “social-business”

“Social-business” : une entreprise gagnant de l’argent et qui n’est pas tendue vers le principe d’accumulation du profit ; mais, à l’inverse, vers celui de la maximisation d’un bénéfice social. La banque de microcrédit “Grameen” au Bangladesh en est certainement l’un des exemples les plus médiatisés et fût honorée – conjointement avec son fondateur Muhammad Yunus – du prestigieux Prix Nobel de la Paix en 2006 pour « leurs efforts pour promouvoir le développement économique et social à partir de la base ». Et c’est sur cette même idée qui revendique que les avantages sociaux priment sur le profit que, 30 ans plus tôt en Inde, l’hôpital ophtalmologique “Aravind Eye Care System” a été fondé par Dr Govindappa Venkataswamy. Un homme qui a lutté toute sa vie en faveur d’un accès à la santé des plus défavorisés.

Porté par la philosophie de Sri Aurobindo prêchant la spiritualité du service et poussé par une compassion sans limite, celui que l’on surnomme affectueusement “Dr. V” va s’attaquer à l’un des challenges médicaux les plus ambitieux de son pays : éradiquer la cataracte qui ravage le sous-continent. Une utopie, pour certains, tant il paraît illusoire de vouloir suppléer les autorités là où elles ont échoué et tant les obstacles semblent insurmontables (augmentation et vieillissement d’une population approchant le milliard d’individus, infrastructures déficientes voire inexistantes, faible revenu par habitant, maladies épidémiques, analphabétisme, etc.). Néanmoins, cette utopie de départ s’est peu à peu forgée dans la réalité d’une lutte acharnée contre de nombreux préjugés, notamment économiques, et s’est finalement imposée contre les injustices sociales d’un ordre établi.

A l’heure actuelle, ce centre ophtalmologique traite annuellement plus de 2,5 millions de cas et pratique 300 000 chirurgies oculaires pour lesquelles plus de 70 % des patients ne déboursent pas un centime. Associés à une maîtrise drastique des coûts et une optimisation des flux opératoires sur des volumes conséquents, les 30 % de patients “payants” suffisent à la viabilité du projet et assure son indépendance ainsi que son développement constant depuis sa création. Du balbutiement du projet ne reste plus que le souvenir nostalgique des 11 premiers lits entassés dans un appartement loué et un contraste saisissant au regard des cinq bâtiments qui composent aujourd’hui l’arsenal médical d’A.E.C.S. pour une capacité totale de plus de 3 500 lits.

Rares sont les structures indépendantes à but non-lucratif – et plus encore celles ne consacrant leurs bénéfices qu’à la production d’avantages sociaux tout en ne rémunérant pas leurs actionnaires – qui peuvent se targuer d’un leadership mondial dans un domaine hautement technologique. C’est pourtant la gageure que les hommes et les femmes d’A.E.C.S. réussissent à tenir au fil des ans. Et à l’heure où le capitalisme montre de façon dramatique les premiers signes avant-coureurs d’un déclin, les réussites économico-sociales et spirituelles de social-business tels qu’Aravind et Grameen pourraient bien représenter ce que M. Yunus appelle la « pièce manquante du capitalisme ». En effet, placés sur un pied d’égalité, en concurrence entre eux et avec le reste des entreprises classiques, les social-business s’attacheront « à accroître leur efficacité et à mieux servir les individus ainsi que la planète ». Une manière d’introduire les avantages du libéralisme sur le terrain du développement social et d’espérer peut-être ainsi la métamorphose d’un système capitaliste en un précepte plus juste et plus altruiste.

Cédric Bosquet.